Les pages
1, 2,
3 et
4 vous
résumeront les précédentes
étapes de l'éruption du volcan Eyjafjallajokull
au printemps 2010. Depuis le 14 avril, l'éruption
se déroule dans le cratère sommital
situé sous la calotte du glacier. Après
une première phase sous-glaciaire marquée
par les jökulhlaups (débacles), les
explosions phréato-magmatiques, des retombées
de cendres très abondantes et la formation
d'un énorme nuage volcanique qui a paralysé
tout le trafic aérien en Europe, l'éruption
semble aborder un nouvelle phase : la lave sort
enfin à l'air libre.
--> Mardi 20 avril 2010
Depuis hier, on peut voir des
gerbes de feu jaillir la nuit du sommet du volcan.
L'activité s'est concentrée dans
un seul cratère qui ne contient plus de
glace. La lave peut donc se répandre librement.
Les lambeaux de lave sont projetés à
1,5 voire 3 km de hauteur par les explosions et
retombent sur le bord du cratère ou sur
la glace aux alentours donnant naissance à
de petites colonnes de vapeur. La puissance des
explosions projette également latéralement
des bombes de lave incandescente à une
vitesse incroyable. On dirait des étoiles
filantes. Revoir cette vidéo.
N'étant plus en contact
direct avec la glace ou l'eau fondue, le magma
n'est plus pulvérisé en fins fragments
dès sa sortie. Par conséquent, l'émission
de cendres devrait fortement diminuer. D'ailleurs
depuis hier matin, on note que le panache est
beaucoup plus clair. C'est parce qu'il contient
moins de cendres que les jours précédents.
Les balises GPS ont enregistré un dégonflement
du volcan ce qui signifie que le volume de magma
diminue dans les chambres magmatiques et que l'activité
pourrait s'apaiser. Le volume déjà
éjecté a soulagé la pression
sous le volcan.
Les cendres qui ont été
émises ces dernières 24h contiennent
4 à 5 fois plus de fluor que précédemment
(850 mg/kg). La raison en est que la cendre est
émise à présent à
partir de cratères asséchés.
Avant, la vapeur d'eau produite avait le mérite
de retenir une partie du fluor en se condensant
dans l'atmosphère. C'est une chance pour
le bétail que le fluor soit soluble dans
l'eau. Il sera éliminé par les prochaines
pluies et vite rendu inoffensif. Mais comme les
eaux de pluie finissent en mer, ce sont les poissons
qui risquent d'être décimés.
Quant à la cendre elle-même,
elle pose de gros problèmes aux fermiers
du sud. Les particules sont si fines qu'une fois
mouillées, elles forment une argile dense
et compacte qui étouffera toute végétation
si la couche de glaise dépasse 10 cm d'épaisseur.
Cela risque de condamner le fermage et les cultures
dans cette région pourtant fertile. Cette
année, c'est de toute façon foutu
pour les moissons. Certains envisagent d'abandonner
leur ferme, d'autres montrent une détermination
farouche à rester. Les uns déplaceront
leur bétail dans des régions moins
touchées, les autres conduisent déjà
leurs bêtes à l'abattoir puisqu'il
n'y a plus de quoi les nourrir.
Faut dire que les fermiers viennent
de vivre une semaine très éprouvante
pour les nerfs et le moral, inquiets pour leur
famille, leur maison, leurs terres et leurs animaux.
Etre sans cesse sur le qui-vive, prêt à
évacuer, vivre dans l'obscurité
en plein jour, dans la poussière permanente,
ne pas savoir quand cela s'arrêtera, être
menacé par les 4 éléments
à la fois, penser à l'avenir, tout
cela les soumet à une tension insoutenable.
Ils vivent au rythme des éructations du
volcan et des aléas de la météo.
Même si les retombées de cendres
s'arrêtaient maintenant, la poussière
déjà présente va être
soulevée et déplacée au gré
des vents pendant des mois.
Cet après-midi, le vent
a viré de 180° dégageant enfin
le ciel au dessus de la région située
au pied de l'Eyjafjöll et poussant les cendres
vers des zones inhabitées au nord-est.
Reykjavik a été épargné
contrairement aux prévisions météo
d'hier.
Un reporter de ruv.is a survolé
les 3 bouches éruptives et ramené
d'impressionnantes
images des explosions de lave dans le plus
grand cratère ainsi que des ondes de choc
qui s'ensuivent. Il parait qu'on les ressent à
25 km à la ronde sous forme de grondements
sourds dans les entrailles. L'onde sonore des
détonations se propage également
très loin. Les détonations sont
plus fortes qu'à Fimmvorduhals car le magma
est plus visqueux donc plus explosif. Selon le
reporter, l'activité a effectivement diminué,
le nuage de cendres et de débris volcaniques
atteint une hauteur de 5000 m. Les jets créés
par les explosions font 500 m de haut et 1000
m de large. Il n'a noté aucun jaillissement
de lave dans les plus petits cratères.
Découvrez aussi les deux
galeries photos inédites du Boston Globe
ici
et là.
Ces images sont non seulement belles mais très
instructives. Elles couvrent l'ensemble de l'information
sur l'éruption.
--> Mercredi 21 avril 2010
Bon anniversaire ! Le volcan
s'est réveillé il y a tout juste 1 mois et a soufflé
sa première bougie. La masse d'information
disponible est devenue tellement phénoménale
qu'il est difficile de tout compulser et résumer
chaque jour. Je vous fais donc un petit bilan
de style télégraphique sur la situation
actuelle.
Îles Vestmann et Reykjavik
épargnés par les cendres jusqu'à
présent - reprise du trafic aérien
en Europe - activité sismique nulle - risque
de jokulhlaup réduit car l'eau de fonte
s'écoule régulièrement de
sous le glacier - la première phase phréato-magmatique
semble finie mais rechute toujours possible -
panache de moins en moins volumineux et de moins
en moins haut (max 3000 m) - webcams moins surchargées
- pas encore de coulées de lave observées
malgré les projections de lave - plusieurs
trous apparus dans le glacier ont fusionné
ensemble pour former un chaudron de glace plus
large (ne pas confondre avec les cratères)
- la bouche éruptive la plus au sud a cessé
toute activité - une chance car elle s'était
ouverte à cheval sur l'arête de la
caldeira et le flanc sud - l'activité s'est
réduite à environ 10% par rapport
aux 3 premiers jours - le débit de magma
est estimé grossièrement à
30 m³/s soit 75 tonnes/s - le Katla est toujours
au repos.
Photos du jour sur Grapevine
Reykjavik. Si vous comprenez l'anglais, il
y a de quoi pleurer.
--> Jeudi 22 avril 2010
Peu de changement par rapport
à hier. La nuit a été tranquille
à part une petite hausse du débit
de la Markarfljot vers 1h00 qui a entraîné
quelques blocs de glace à partir de Gigjokull
mais tout est vite revenu à la normale.
Les cendres retombent principalement sur le glacier
et à l'ouest de celui-ci. L'activité
moins explosive se confirme. Il y a toujours 3
cratères actifs et aucune coulée
de lave observée. Le panache de vapeur
qui a atteint 5 à 6 km de haut dans l'après-midi
était visible depuis Reykjavik. Le panache
a pu s'élever aussi haut grâce à
un vent calme. Quant au nuage de cendres, il s'est
déployé jusqu'à 4,3 km d'altitude.
Quelques aéroports scandinaves ont été
de nouveau obligés de fermer jeudi matin
à cause du retour du nuage de cendres.
Le Danemark est épargné.
Olafur Eggertsson, le fermier
de Thorvaldseyri, la ferme la plus touchée
par les cendres et les inondations a décidé
de faire une pause cet été. Gros
producteur de blé, de colza et de foin,
il estime que ses terres ont besoin de temps pour
récupérer. Il a aussi l'intention
de déplacer son bétail car rester
enfermé pendant de longues périodes
n'est pas viable pour les animaux ni pour le fermier.
Olafur est connu dans le monde entier depuis la
parution de la photo qu'il a prise du nuage volcanique
planant au dessus de sa ferme.
--> Vendredi 23 avril 2010
Cette nuit, les gerbes de lave
étaient encore visibles par intermittence
sur toutes les webcams. L'activité du volcan
est modérée. Le vent a changé
de direction. Comme il souffle du sud-est et pousse
le nuage volcanique vers le nord-ouest, l'aéroport
international de Keflavik, jusqu'ici épargné,
a été fermé aujourd'hui dès
5h30. L'aéroport domestique de Reykjavik
a été lui aussi fermé quelques
heures tôt ce matin. Icelandair a détourné
ses vols vers Akureyri située au nord du
pays et mis à disposition des passagers
des bus gratuits pour regagner la capitale. L'avion
et l'hélico de la Garde Côtière
ont été déplacé à
Akureyri par précaution mais l'avion de
recherche était déjà de retour
ce soir. Quelques vols ont aussi été
annulés au Danemark alors que l'alerte
sur l'Ecosse est finie.
La Protection civile a publié
une nouvelle carte
des zones interdites à cause de l'éruption.
Elle englobe la totalité des deux glaciers,
Eyjafjallajokull et Myrdalsjokull. Par contre,
la route circulaire est rouverte à tous.
Il règne une sorte de brouillard à
l'ouest du volcan, notamment à Hvolsvollur
et Fljotshlid. La visibilité est réduite
à cause de la présence de cendre
et de particules de pollution en suspension dans
l'air. Le port d'un masque n'est pas nécessaire
et la qualité de l'air n'est pas plus alarmante
qu'un jour de smog (pic de pollution due au trafic).
Seules les personnes sensibles sont invitées
à rester à la maison. Les pompiers
sont occupés depuis aujourd'hui à
nettoyer les maisons à la lance d'incendie
pour les débarrasser de la couche de cendre
qui les recouvre.
--> Samedi 24 avril 2010
La lave s'écoule enfin
en direction de Gigjokull en faisant fondre l'épaisse
couche de glace (~150 m). Cela génére
beaucoup de vapeur et un débit de 100 à
120 m³ d'eau fondue par seconde à
Gigjokull. On suppose que la lave a commencé
à se répandre sous la glace depuis
quelques jours car l'eau s'écoulait en
continu de la langue glaciaire depuis le 21 avril
à midi. L'intensité de l'éruption
est maintenant comparable à celle de Fimmvorduhals.
Le vent continue de souffler
de l'est et le brouillard de cendres qui réduit
la visibilité s'étend toujours vers
l'ouest. Il a atteint Reykjavik en fin de matinée.
Aussi, l'aéroport international de Keflavik
restera probablement fermé jusqu'à
mardi. Celui d'Akureyri a été obligé
de fermer aussi hier soir puis a rouvert à
14h00. Les vols internationaux sont détournés
sur Glasgow en Ecosse. Maigre consolation, le
brouillard de cendres a donné lieu ce soir
à un coucher de soleil très coloré.
La cendre est retombée
en petite quantité sur Hvolsvollur, Hveragerdi
et Selfoss. L'épaisseur est de l'ordre
de quelques millimètres. Le grand nettoyage
des cendres à la lance d'incendie se poursuit
dans les fermes du sud et du sud-ouest.
Pour ceux qui connaissait la
piscine
de Seljavellir, ce merveilleux petit coin
sauvage où on mijotait dans l'eau chaude
tout en admirant le paysage montagneux environnant
a été un des endroits les plus touchés
par les retombées de cendres. La langue
glaciaire de Gigjokull a également changé
d'aspect. Le petit lagon glaciaire a totalement
disparu et la couche de sédiments déposée
par les crues successives atteind 10 m d'épaisseur.
--> Dimanche 25 avril 2010
Pas de changement dans l'activité
du volcan ni dans la direction des vents. Keflavik
est fermé et les vols domestiques depuis
Reykjavik ont été annulés.
Ces deux aéroports sont dans la zone interdite
de vol. Pour Akureyri et Egilsstadir, les autorisations
se font au cas par cas en fonction de l'évolution
de la situation au fil des heures. La pluie a
fortement limité la propagation de la cendre
qui a peu de chance d'atteindre Reykjavik et le
Nord-ouest aujourd'hui.
Plus d'une centaine de volontaires
sont venus aider les fermiers à nettoyer
la cendre des maisons mais ils s'interrogent encore
sur la façon de procéder pour les
prairies. Faut-il les labourer comme les champs
pour incorporer la cendre à la terre en
espérant que l'herbe repousse plus dru
grâce à ce fertilisant naturel ?
Quid de la cendre qui recouvre les flancs de la
montagne et sera redéposée sur les
prairies au moindre vent ? Comment nourrir le
bétail en attendant la repousse ?
--> Lundi 26 avril 2010
Reprise du trafic aérien
en Islande. Les aéroports de Keflavik et
Reykjavik ont rouvert ce matin à 7h00.
Icelandair rapatrie sa flotte depuis Glasgow et
Akureyri vers Keflavik. Il pleut sur le sud et
l'ouest du pays, ce qui diminue le brouillard
de cendres qui dérive vers l'ouest et le
nord-ouest. Les retombées de cendres sont
mineures. On en a relevé un peu sur 2 fermes
situées à 10 km de l'éruption.
La cendre étant devenue plus grossière
que les 4 premiers jours, elle est transportée
moins loin et retombe surtout sur le glacier.
L'activité volcanique
est similaire aux jours précédents.
Elle se limite au cratère situé
le plus au nord. Le panache décline peu
à peu bien que le mauvais temps empêche
de voir sa hauteur et sa couleur. Comme l'indique
l'eau qui s'écoule de la langue glaciaire
de Gigjokull, la coulée de lave avance
vers le nord. Samedi, elle se trouvait à
400-500 m du cratère. Sa progression forme
une dépression dans la glace qui s'étend
jusqu'à 700 m de la bouche éruptive.
Rien n'indique que l'éruption soit sur
le point de s'arrêter. Le débit de
lave est toujours de 20 à 40 tonnes par
seconde.
Ah, une bonne nouvelle ! Maintenant
que l'intérêt des européens
pour le volcan islandais est un peu retombé,
Vodafone a rouvert l'accès de sa webcam
aux étrangers. On peut de nouveau suivre
en direct depuis Thórólfsfell ce
qui se passe au pied de la langue glaciaire de
Gigjokull.
--> Mardi 27 avril 2010
La Protection Civile a réduit
la zone interdite autour de l'éruption
(voir carte).
Désormais, la route vers la langue glaciaire
de Solheimajokull est accessible ainsi que la
glacier Myrdalsjokull excepté sa partie
ouest. L'ancien site éruptif de Fimmvorduhals
reste fermé. La vallée de Thorsmork
est inaccessible depuis la disparition de 6 km
de piste dans l'inondation.
L'aéroport de Keflavik
a dû de nouveau fermer, aussi quelques vols
ont été avancés très
tôt le matin afin de décoller avant
la fermeture de l'espace aérien. Il pleut
toujours sur le sud du pays. Aucun changement
dans l'activité du volcan. L'eau s'écoule
du glacier avec un débit de 100 m³/sec
dont 30 m³ constitue le flux habituel en
cette saison. Hier, l'avion de la Garde Côtière
a survolé le site. Les images radar révèlent
que le cratère s'est étendu dans
la caldera. Le cone de scories mesure 200 m de
diamètre et 150 m de haut. Le panache était
clair et s'étirait vers l'est à
une altitude de 3 à 5 km. Les chutes de
cendres sont insignifiantes.
--> Mercredi 28 avril 2010
Rien de changé du côté
du volcan. Le temps est mauvais. L'espace aérien
au dessus de Keflavik et Reykjavik a été
rouvert dans l'après-midi. Akureyri au
nord et Egilsstadir à l'est restent accessibles
car situés hors de la zone de distribution
des cendres. Il est inutile d'annuler son voyage
en Islande, Icelandair trouvant des solutions
de rechange efficaces pour ne pas isoler l'île
plus de quelques heures. Vous aussi exercez vous
à voler entre les nuages de cendres avec
ce petit jeu sympa : Volcanic
Airways
La rivière Markarfljot
a subi une nouvelle crue. L'inondation a débuté
à 11h30. Le pic a été atteint
2 heures plus tard avec un débit de 250
m³/sec mesuré sous le vieux pont de
Markarfljot situé à 18 km de Gigjokull.
La température de l'eau y est montée
à 11°C. L'eau provient bien sûr
toujours de la fonte de la glace sous l'effet
de la chaleur de la lave et elle s'écoule
par dessous la langue glaciaire de Gigjokull pour
se déverser finalement dans la Markarfljot.
Quatre éclairs ont été
enregistrés vers 20h au dessus du site
éruptif. Cela n'était plus arrivé
depuis le 19 avril.
-->Jeudi 29 avril au dimande 2 mai 2010
L'activité est restée
inchangée ces derniers jours. Le temps
était couvert et pluvieux n'offrant que
de rares occasions de voir le panache. Celui-ci
est resté sous la limite de la couverture
nuageuse, sa hauteur oscillant entre 3000 et 5000
m, le panache de vapeur blanche montant plus haut
que le nuage de cendres. Il y a eu de légères
retombées de cendre mais limitées
à l'un ou l'autre hameau situé au
voisinage du volcan et ce, en fonction de la direction
des vents.
Aucune secousse sismique ne vaut
la peine d'être mentionnée. Au niveau
du site éruptif, le cone de scorie qui
s'est formé dans la partie sud-ouest du
chaudron de glace continue de s'élèver.
Sa crête est passé de 50 m sous le
niveau de la glace environnante à 30 m.
Les lambeaux de lave sont projetés de 100
à 200 m de haut par les explosions qui
sont entendues parfois jusqu'à Hvolsvollur
(32 km de distance).
La lave avance toujours vers
le nord sous la glace en empruntant les canaux
de drainage creusés dans la langue glaciaire
de Gigjokull par les précédentes
débacles. On peut suivre la progression
de la lave grâce aux panaches de vapeur.
Ceux situés le plus haut correspondent
au front de lave alors que ceux qui se dégagent
plus bas correspondent à l'eau fondue bouillante.