Eruption fissurale du volcan Barðarbunga fin août 2014
Je vous recommande de consulter
d'abord les pages 1
et 2 avant
de lire la suite. Pour rappel, l'activité
sismique intense qui a débuté le
samedi 16 août 2014 sous le Vatnajokull
se poursuit sans interruption depuis 15 jours
et laisse présager le réveil du
volcan Bardarbunga.
--> Vendredi 29 août 2014
Suite à l'augmentation
d'activité sismique sous l'Askja, l'IMO
a décidé hier de monter le niveau
d'alerte de ce volcan au jaune (volcan montrant
des signes d'activité croissante) et celui
du Bardarbunga est repassé au rouge à
1h00 du matin (éruption imminente ou en
cours). Une bannière sur leur site annonce
: "A fissure eruption has started north of
Dynjujökull". Traduction : Une éruption
fissurale a démarré au nord du Dyngjujokull
!!!
L'éruption fissurale se
déroule à Holuhraun, une ancienne
coulée de lave datant d'une éruption
de 1797. Elle a débuté à
minuit. Le trémor a été enregistré
par tous les sismographes. Elle se situe à
environ 9 km au nord du glacier et à 15
km au sud de la caldera de l'Askja. Elle n'a donc
pas lieu sous la glace et les fontaines de lave
sont visibles sur la webcam
2 de Mila. C'est une petite éruption
effusive dont l'activité semble déjà
diminuer. La lave sort d'une fissure de 100 mètres
de long d'après les premières indications.
Les scientifiques présents sur place l'ont
réévalué à 1 km de
long. Il n'y a pas d'activité explosive
significative. Les cendres retombent à
proximité de la fissure.
Premières images de l'éruption fissurale du Bardarbunga sur la webcam 2 de Mila à 3:00 GMT
La lueur de l'éruption
est visible par intermittence depuis Grímsstaðir,
un village situé à 100 km de là,
en bordure de la route n°1 près du
pont qui emjambe la Jokulsà à Fjöllum.
Elle se reflète dans les nuages dont le
plafond est assez haut.
Cette éruption ne devrait
pas affecter le trafic aérien international.
Par contre, les vols domestiques seront plus perturbés
vu que l'aéroport d'Akureyri, se trouve
dans la zone de non-vol. Pour le moment, le système
radar n'a pas détecté de cendre
volcanique issue de l'éruption à
Holuhraun. L'avion des gardes-côtes décollera
à 9h30 pour voir ce qui se passe.
Espace aérien interdit le 29 août en dessous de 18.000 pieds d'altitude
Vue de l'éruption au lever du jour - webcam Mila 2 à 5h09 (heure locale)
Update
après une courte récupération de sommeil
: Ce matin, il n'y avait plus que de la vapeur
blanche qui s'échappait de la fissure quand
l'avion des gardes-côtes a survolé
la zone de l'éruption dans le champ de
lave de l'Holuhraun. Le journaliste Ómar
Ragnarsson de la télévision islandaise
RUV a réalisé de belles images au
soleil levant. Il est également l'auteur
de la vidéo
publiée hier par la RUV montrant le survol
des dépressions dans le glacier et des
fissures dans le champ de lave de l'Holuhraun.
Vue aérienne de l'éruption prise par Hordur Finnbogason (RUV)
Vu l'absence de panache de cendre
volcanique, la limitation de vol a été
ramenée dans un premier temps de 10 miles
nautiques à 3 et le plafond de 18.000 pieds
à 5.000 pieds pour être finalement
annulée. L'aéroport d'Akureyri est
rouvert. Le code d'alerte est repassé du
rouge à l'orange. Tout l'espace aérien
est ouvert.
A la lumière du jour,
la fissure fait 900 mètres de long et se
situe à 5 km du bord du glacier. Des coulées
de lave sombres s'en sont échappées.
L'éruption fissurale est considérée
comme finie. Elle n'a duré que 3-4 heures.
Les géophysiciens Páll Einarsson
et Magnus Tumi Guðmundsson s'accordent pour
dire qu'il s'agit d'un "accident". Le
magma n'aurait pas dû percer la surface
puisque le dyke est beaucoup plus profond. L'activité
sismique se poursuit toujours aux mêmes
profondeurs à une dizaine de kilomètres
au sud du site de l'éruption c'est-à-dire
sous la langue glaciaire du Dyngjujokull.
Image radar des coulées de lave à Holuhraun prise par le TF-SIF (avion des gardes-côtes)
Il se pourrait que le magma ait
rencontré un obstacle (roche plus dure)
dans sa progression vers le nord et que son accumulation
à l'extrêmité du dyke l'ait
poussé vers la surface. Comme l'activité
sismique semble refluer vers l'amont, on peut
supposer que le magma cherche à s'infiltrer
dans des fractures latérales plutôt
que de se frayer un chemin vers la surface. L'ouverture
d'une fissure sous le glacier est toujours possible.
Mila a interrompu le streaming
de sa deuxième webcam sûrement surchargée
par les milliers de personnes suivant de près
l'éruption. C'est la seule sur laquelle
on voyait l'éruption d'aujourd'hui.
Voici les images tournées
ce matin par Ómar Ragnarsson. Lien sur
ruv.is
avec vidéo et photos.
--> Samedi 30 août 2014
Activité sismique similaire
aux jours précédents. Toujours plus
de 1100 tremblements de terre par jour. Les plus
violents ont lieu sur les flancs de la caldera
du Bardarbunga : 5,4, 4,5 et 4,2. Le dyke ne progresse
plus. La zone secouée par les séismes
s'étire sur 15 km. Elle est à cheval
sur le bord du glacier (4 km sous la glace jusqu'au
lieu de l'éruption fissurale d'hier).
Mila a remis sa webcam 2 en service.
En fait, elle a été remplacée
par une camera pivotante qui balaie le désert
de Kverkfjoll à Kistufell. En survolant
le glacier Vatnajokull cet après-midi,
le pilote journaliste Ómar Ragnarsson a
rapporté avoir vu de nouvelles crevasses
toutes fraîches dans la glace. Les fissures
précédentes lui semblent s'être
élargies.
Voici des images de la lave émise
vendredi. Elle est encore chaude et fumante.
--> Dimanche 31 août 2014
Une nouvelle éruption
a démarré à Holuhraun cette nuit
à 5h du matin. Cette deuxième éruption
fissurale est 50 fois plus puissante que celle
de vendredi. Les fontaines de lave s'alignent
sur 1,5 km et projettent la matière incandescente
jusqu'à 60 mètres de hauteur. La
nouvelle fissure s'est ouverte au même endroit
que la précédente mais s'étire
sur 600 à 800 mètres de plus vers
le nord. Elle a dépassé le champ
de lave de l'Holuhraun et atteint une zone sablonneuse.
Il n'y a pas d'explosions. L'éruption est
calme mais continue.
A suivre en direct sur la webcam
2 de Mila. L'image est très instable
à cause du vent. En effet, une grosse tempête
est annoncée sur le pays (résidu
de l'ouragan Cristobal). Les prévisions
météo sont si mauvaises (tempête
de sable) que les scientifiques ont été
rappelés à leur camp de base.
Deuxième éruption fissurale dans l'Holuhraun - photos du volcanologue Armann Hoskuldsson
Capture d'écran de la webcam de Mila Bardarbunga 2 à 12:40
Le code d'alerte pour l'aviation
est repassé au rouge pour la troisième
fois en 8 jours. Cette éruption est considérée
comme la troisième. En effet, la première,
sous-glaciaire, du samedi 23 août qui avait
été déclarée "fausse
alerte" parce qu'on ne voyait rien en surface
a été reconnue comme ayant bien
eu lieu. Cette éruption cachée était
10 fois plus forte que l'éruption fissurale
du vendredi 29 août. Bref la fin d'été
est plutôt chaude !
La zone interdite le 31 août en dessous de 6.000 pieds d'altitude n'affecte pas le trafic aérien
Le débit de la lave avoisine
les 1000 mètres cube par seconde. Cela
représente un débit 3 à 4
fois supérieur à celui de l'éruption
fissurale de l'Eyjafjallajökull en 2010.
Le rapport de la réunion entre les représentants
de l'IMO, de l'Institut des Sciences de la Terre
et de la Protection Civile fait état d'une
coulée de lave de 1 km de large sur 3 km
de long s'étalant vers le nord-est (situation
à 7h00 du matin). L'épaisseur est
estimée à quelques mètres.
Photo de la coulée de lave incandescente prise par Earth Science Institute
L'activité sismique se
poursuit un peu moins intense que les jours précédents.
Les mauvaises conditions météo rendent
difficile la mesure des plus faibles secousses
et ne permet pas le survol en avion pour l'instant.
Les émissions de gaz s'élèvent
à quelques centaines de mètres au
dessus de la fissure, aplaties et chassées
par le vent sur 1200 mètres. Les GPS qui
mesurent les déformations du terrain montrent
des mouvements continus au nord du Dyngjujokull.
NB. Méfiez-vous des images
spectaculaires diffusées par les médias
et youtube. Elles n'ont souvent rien à
voir avec la situation actuelle. Ce sont d'anciennes
images d'archives ressorties à l'occasion
pour faire du sensationnalisme. Même l'Iceland
Review est à blâmer pour ces procédés
accrocheurs. Gardez toujours l'esprit critique
!
Les seules images du jour ont
été filmées par les scientifiques
de l'Université d'Islande. Visionnez aussi
la vidéo de la coulée de lave diffusée
par la télévision islandaise RUV.
En consultant les graphiques
de l'IMO et la simulation 3D, je remarque un nouvel
essaim sismique à l'est de l'Askja qui se dirige
vers Herdubreid. Pour l'instant, aucun média
n'en fait état mais le phénomène me paraît
suffisament intéressant pour être signalé.
Pour rappel, la région a été
évacuée le 19 août et il n'y
a donc aucun danger pour la population. Le code
d'alerte pour l'aviation est repassé à
l'orange vers 14h30 car aucune cendre volcanique
n'a été détectée.
Localisation 3D des séismes enregistrés lors de l'éruption du 31 août
Capture d'écran de la webcam Bardarbunga 2 de Mila à 18:00 (heure locale)
Capture d'écran de la webcam Bardarbunga 2 de Mila à 22:00 (heure locale)
À 20h00, la coulée
de lave s'étalait sur plus de 3 km².
Cela correspond à un écoulement
de 300 à 500 mètres cube de magma
par seconde. Le volume de lave émise est
de 16 à 25 millions de m³.
--> Lundi 1 septembre 2014
Bien que l'éruption ait
montré quelques signes d'essouflement dans
la matinée, l'activité volcanique
a repris de la vigueur durant l'après-midi
et la nuit. Au plus fort de l'éruption
hier, les jets de lave atteignaient 100 mètres
de haut. Ils sont retombés à 10-20
mètres dans la matinée avant de
reprendre du poil de la bête et remonter
à environ 50 mètres.
La coulée de lave a gagné
1 km² de plus et s'étale maintenant
sur 4,5 km². La fissure vomit 100 mètres
cube de lave par seconde alors qu'hier le débit
oscillait entre 300 et 500 m³/sec. Le volume
total de lave émise en deux jours est de
20 à 30 millions de mètres cube
(16 à 25 hier auxquels se rajoutent les
5 d'aujourd'hui). Cela n'est rien à côté
des 400 millions de mètres cube de magma
présents dans le dyke.
Images aériennes tournées par le cameraman Skarphéšinn Snorrason
La lave émise est de type
Pahoehoe, un type de lave basaltique fort courant
dans les éruptions islandaises. Elle se
caractérise par la présence de plaques
lisses à la surface de la coulée.
Pahoehoe est un terme hawaien qui signifie lave
lisse. Un moyen mnémotechnique pour s'en
souvenir est que quand on marche dessus pieds
nus, ça ne fait pas "ouille ouille"
contrairement aux laves aa ("aïe aïe"),
rugueuses et pleines de blocs cahotiques.
La lave au centre de la fissure
est très chaude (1200°C). À
sa sortie des bouches éruptives, elle est
fort fluide. Son épaisseur est de 1 mètre.
Sa surface se refroidit assez vite en formant
une croûte lisse qui migre avec la coulée,
se plisse et se brise selon la vitesse du courant
sous-jacent. Au bord de la coulée, le front
de lave peut atteindre 7 à 8 mètres
d'épaisseur. Il progresse par accoups en
s'effondrant sous la poussée de la lave
affluant continuellement.
Images tournées par le chercheur Rob Green de l'Université de Cambridge présent sur le terrain
L'équipe de scientifiques
habituelle a survolé l'éruption
de 13h45 à 16h30 à bord de l'avion
TF-SIF des gardes-côtes. La fissure fait
toujours 1,5 km de long mais l'éruption
se concentre dans la section centrale. Les fontaines
de lave sont actives sur 800 mètres de
long alors qu'hier, la totalité de la fissure
était en feu. Les crevasses et dépressions
observées à la surface du glacier
n'ont pas changées. Voir les images diffusées
par la RUV.
La coulée de lave s'étale
sur 3,5 km à partir du centre de la fissure
en direction de l'est-nord-est. Sa largeur maximale
est de 1,6 km et se rétrécit en
s'éloignant des cratères. L'extrémité
de la coulée est une langue de 500 mètres
de large. Un flot continu de lave coule au centre
de la coulée jusqu'aux bords qui sont incandescents.
Comme une image vaut mieux qu'un long discours
voici une carte montrant l'étendue de la
coulée de lave sur une image infrarouge
du radar de l'avion des gardes-côtes.
carte montrant la surface couverte par la nouvelle coulée de lave à Holuhraun
Un panache blanc s'échappe
du site éruptif et forme un long nuage
aux contours bien définis. Son bord supérieur
atteind 4,5 km d'altitude et son bord inférieur
2 km (par rapport au niveau de la mer). Il est
légèrement bleuté dans le
bas. A cause du vent, il s'étire sur plus
de 60 km vers le nord-nord-est. À 30 km
au nord-est de l'éruption, sa largeur est
de 10 km. Il ne transporte aucune cendre comme
en témoigne sa couleur blanche. Aucune
retombée de cendre n'a été
rapportée. Voir les photos et explications
de Halldor
Bjornsson (document pdf).
panache se dégageant de la fissure éruptive
La mesure des gaz émis
révèle une grande quantité
de SO2 près de la fissure volcanique. Ce
dioxyde de soufre est hautement toxique pour les
gens qui travaillent sur le terrain dans un rayon
de 10 km autour de l'éruption. Scientifiques
et journalistes doivent donc être équipés
de détecteur et de masque à gaz.
Voici une image satellite qui montre la teneur
en SO2 du nuage qui se dégage de la fissure.
concentration de dioxyde de soufre dans le panache se dégageant de la fissure éruptive
Huit gros séismes de magnitude
supérieure à 3 ont secoué
la caldera du Bardarbunga aujourd'hui. Records
: 5,3, 5,0 et 4,5. Depuis le 16 août, 559
séismes ont eu lieu autour de la caldera,
26 d'entre eux ont été supérieurs
à 4 et 12 ont dépassé 5 sur
l'échelle de Richter. Le fond de la caldera
s'enfonce lentement, vidé de sa réserve
de lave au profit du dyke en formation.
La majorité des autres
secousses ont lieu au nord du dyke, toujours à
cheval sous la langue glaciaire du Dyngjujokull
et l'ancien champ de lave de l'Holuhraun. Le nombre
et la force des séismes ont un peu diminué
suite à la libération de pression
provoquée par l'éruption mais l'activité
sismique reste continue.
Concernant les séismes
localisés entre l'Askja et Herdubreid,
l'IMO souligne que l'activité sismique
est courante dans cette région et qu'elle
n'est pas nécessairement causée
par les tensions occasionnées par le dyke.
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